Sur le titre


Couverture de la Dioptrice de Kepler (Gallica)

édition d'Augsburg (1611)

Couverture de la traduction de Ferdinand Plehn (Gallica)

traduction allemande de Ferdinand Plehn (1901)



Les citations en latin sont extraites de l'édition originale,
les citations en allemand, de la traduction de Ferdinand Plehn ;
les traductions en français sont de Jean Peyroux (JP),
ou de moi-même (JH).



Demonstratio eorum quae visui & visibilibus propter Conspicilla non ita pridem inventa accidunt

Description des conséquences de l'invention récente des télescopes sur la vision et les objets visibles. (JH)

Démonstration de ce qui arrive à la vision et aux choses visibles par le fait des lunettes inventées récemment. (JP)


Schilderung der Folgen, die sich aus der unlängst gemachten Erfindung der Fernrohr für das Sehen und die sichtbaren Gegenstände ergeben

Présentation des conséquences qui découlent de la découverte récente des télescopes pour la vision et les objets visibles. (JH)


Conspicillum / Fernrohr / télescope*

Le point de départ de la Dioptrique de Kepler, c'est l'invention du télescope (voir le texte de Van Helden " The Invention of the Telescope "), ou plus précisément, les travaux de Galilée et la publication du " Sidereus Nuncius " en 1610, où il annonce, entre autres, la découverte des planètes médicéennes (les satellites de Jupiter).

Les attitudes des deux savants sont toutefois extrêmement différentes.

Galilée est plus un utilisateur de la nouvelle optique qu'un théoricien. Son livre n'explique pas la formation des images, comme le fera de façon magistrale Kepler ; il décrit ce qu'il a vu et restitue les images successives de ses observations, à partir desquelles, le mouvement des satellites de Jupiter peut être expliqué ; le fonctionnement optique du télescope, il ne l'a pas compris, et c'est par une belle pirouette qu'il renvoie son explication à " plus tard ".

Kepler lui, sera plus un théoricien qu'un utilisateur, même si sa théorie est guidée par des observations. Des observations que l'on pourrait qualifier " de laboratoire " pour les opposer aux observations " de la nature " de Galilée. L'objet de sa connaissance, c'est l'instrument d'optique et sa logique interne qui n'est appréhendée qu'en suivant, pas à pas, le cheminement de la lumière, décrite en terme de rayons et de faisceaux, à travers les dioptres successifs. Le télescope, dans son approche, doit être associé à l'œil, lui-même instrument d'optique, et c'est ainsi que se met en place le triptyque : objet à voir + instrument + objet vu (image perçue par l'œil et ce qui s'en suit).



* REMARQUES :

Dans le langage optique français actuel, le terme de télescope est réservé aux instruments qui comprennent un ou plusieurs miroirs et, éventuellement, des dioptres (instruments catoptriques et catadioptriques).
Les systèmes dioptriques d'observation d'objets éloignés sont eux appelés lunettes :
lunette terrestre, lunette astronomique, lunette batave, lunette de Galilée, lunette de Kepler, etc.

Le terme latin conspicillum, dans l'acception du Gaffiot, renvoie à un observatoire, c'est-à-dire à un lieu élevé, d'où l'on peut voir au loin. Il semblerait donc plus logique de traduire conspicillum par longue-vue (ou télescope) que par lunette.

Le mot télescope a eu quelques avatars comme l'adjectif télescopique qui, par dérivation, est maintenant associé à des dispositifs mécaniques de tubes s'emboîtant les uns dans les autres afin de réduire l'encombrement (d'une antenne, par exemple), et le verbe (se) télescoper qui évoque aussi un emboîtement, mais le plus souvent avec pertes et fracas.

Enfin le mot allemand Fernrohr signifie le tube (ou le tuyau) pour voir loin, insistant par là sur ce qui pouvait frapper les esprits du début du XVIIème siècle, à savoir : quand on regarde dans un tube – un rouleau de papier par exemple – on isole une partie de l'espace avec peut être l'impression de mieux voir, de mieux distinguer les détails, mais quand de plus le tube comprend des lentilles, le grossissement permet de voir au loin des choses que l'on n'aurait de toute façon pas pu distinguer à l'œil nu.

Notons en conclusion que, dans la dénomination des instruments d'optique, les termes communs (longue-vue, Fernrohr) voisinent sans complexe avec les termes plus savants (télescope) et que souvent, par métonymie, le contenant (tube) et le contenu (lunettes = petites lunes = lentilles) désignent, selon l'intérêt de l'utilisateur, ou du concepteur, l'assemblage de quincaillerie & verroterie qu'est, en définitive, tout instrument d'optique.