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Ce chapitre reprend un article publié dans la revue«L'Essentiel de l'Optique» (n° avril 1998). Il concerne les verres ophtalmiques, mais peut être facilement transposé aux prismes classiques.
Le modèle utilisé pour expliquer la formation et la couleur des liserés colorés repose sur la synthèse additive des couleurs. Une surface blanche est décomposée en fines bandes parallèles juxtaposées. Chacune donne à travers le prisme un spectre. La superposition (au sens de l'addition : d'où l'allusion au calcul intégral) de ces spectres décalés de proche en proche, les uns par rapport aux autres, donne les liserés colorés.

1. Synthèse additive des couleurs

Lorsque l'on projette des faisceaux colorés sur le même élément de surface d'un écran, les éclairements s'additionnent. Si l'écran renvoie parfaitement la lumière qu'il a reçu, la zone éclairée nous apparaît sous une couleur qui résulte de l'addition des couleurs des différents faisceaux.
Les trois couleurs primaires de la synthèse additive sont le rouge R, le vert V et le bleu B. Superposées deux à deux, elles donnent les couleurs primaires de la synthèse soustractive (jaune J, cyan C et magenta M).
La superposition des trois primaires donne du blanc B

R + V = J (1) Synthèse additive
V + B = C (2)
B + R = M (3)
R + V + B = B (4)

Figure 1 : Les quatre équations de la synthèse additive

2. Observation d'un trait blanc sur fond noir

Quand un observateur regarde par le bord d'un verre ophtalmique divergent un mince trait blanc sur fond noir (o), de largeur t, l'image (i) apparaît irisée par les différentes couleurs qui composent la lumière blanche (violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge). On suppose que si la largeur du trait est égale au tiers de la largeur du spectre, ce dernier peut être réduit aux trois primaires rouge, vert, bleu. Sur la figure 2 les pointillés représentent la lumière blanche issue du trait qui est dispersée par le bord du verre divergent. La lumière bleue est la plus déviée vers la base du prisme qui est «en haut». Le bord bleu du spectre est donc vu «en bas».

Figure 2

Figure 2 : Déviation et dispersion d'un faisceau blanc par le bord d'un verre divergent

L'élargissement du trait blanc conduit à une modification de l'image observée et à l'apparition, dans celle-ci, des couleurs jaune et cyan (Figure 3), puis du blanc (Figure 4).

Figure 3

Figure 3 : Liseré de type 1

de haut en bas, sur les colonnes i1 et i2 :
( N pour noir) N + R = R ; R + V = J ; V + B = C ; B + N = B


Figure 4

Figure 4 : Liseré de type 2

de haut en bas, sur les colonnes i1, i2 et i3 :
N + N + R = R ; N + R + V = J ; R + V + B = B ; V + B + N = C ; B + N + N = B


Sur la figure 3, le trait blanc de largeur 2t est décomposé en 2 traits élémentaires de largeur t. Chacun d'eux donne une image. Ces images sont décalées verticalement de t, ce qui correspond à un décalage de une couleur. L'addition des différentes images donne une image comportant du bleu, du cyan, du jaune et du rouge.
Sur la figure 4, le trait blanc de largeur 3t est décomposé en 3 traits élémentaires de largeur t. Les trois images sont décalées verticalement de t,. L'addition des différentes images donne une image comportant du bleu, du cyan, du jaune, du blanc et du rouge.
Le liseré conserve donc, dans les deux cas de figure, ses valeurs extrêmes (bleu et rouge).
Il est modifié en son milieu, et lorsque la largeur du trait est suffisante, le blanc initial réapparaît au centre.

3. Observation d'un trait noir sur fond blanc

Les deux bandes blanches qui encadrent le trait noir sont décomposées en autant de traits blancs élémentaires que nécessaire. Ces traits sont numérotés de bas en haut - k, - (k - 1),..., - 2, - 1, + 1, + 2, etc.
Dans le cas de la figure 5, la largeur du trait noir t est égale au tiers du spectre. Le décalage des deux images centrales d'ordre - 1 et + 1 est égal à 2t. La somme des différentes images due à chaque trait blanc élémentaire, donne les trois couleurs primaires de la synthèse soustractive Jaune, Magenta et Cyan.

Figure 5

Figure 5 : Liseré de type 3

de haut en bas, sur les colonnes -3 à + 3 :
R + V + B = B, etc. ; V + B = C ; R + B = M ; R + V = J ; R + V + B = B, etc.


Figure 6

Figure 6 : Liserés de type 4

de haut en bas, sur les colonnes -3 à + 3 :
R + V + B = B, etc. ; V + B = C ; B = B ; N = N ; R = R ; R + V = J ; R + V + B = B, etc.


Dans le cas de figure 6, la largeur du trait noir est égale à 2t. On retrouve les mêmes images que dans le cas 5, mais les images d'ordre - 1 et + 1 sont décalées de 3t, et du noir apparaît au centre de l'image.

4. Fenêtre à contre-jour et spot lumineux, deux exemples concrets

Une fenêtre observée à contre jour, à travers le bord de verres de forte puissance et d'indice élevé (et donc de faible nombre d'Abbe), laisse apparaître dans les zones à la limite de l'ombre (cadre intérieur de la fenêtre) et de la lumière (ciel clair extérieur) les liserés colorés décrits plus haut (cas de figure 4 et 6).

Fenêtre

Figure 7 : Liserés sur une fenêtre à contre-jour

De même un spot lumineux regardé de biais se trouve frangé par les mêmes liserés.
Dans tous les cas, les liserés sont parallèles à la base du prisme qui leur donne naissance.
La formule (5) donne un ordre de grandeur de la largeur du liseré.
s = dDL/ne (5)
Exemple : Un verre de vergence D = 5 d, de nombre d'Abbe ne = 40, utilisé à la distance d = 10 mm de son centre optique, donne à la frontière d'un objet étendu de fort contraste placé à L = 1 m, un liseré coloré de largeur s = 1,25 mm (3 fois la résolution de l'oeil à cette distance, environ, ce qui n'est pas beaucoup !).

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